BACHLA

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Second echo des terriers pour le mois de décembre 2021

Si le fromage Kiri ciblait, naguère, les gastronomes en culotte courte, cet écho visera, lui, aujourd’hui, les quelques fins gourmets du verbe que vous êtes devenus... Jonglerie, facétie : j’ouvre le rideau sur un fondant de nature au nappage poétique, délicatement saupoudré d’une fine pincée d’histoire ! Bonne et onctueuse lecture !

 

Babillons mes amis. Vous souvenez-vous d’Henri de Navarre, ce régent qui se faisait appeler “vert-galant” ? Son patronyme, chez l’esprit érudit, éveillera, pêle-mêle, Catherine de Médicis, les guerres de religion, l’édit de Nantes, la reine Margot. Mais pour qui aime chiner, cet ami de Concini peu aimé des De Guise, occis par Ravaillac, rappellera une tête plus momifiée que couronnée : la légende veut que dans un lot de trois trognes qu’un amateur de vieilleries s’offrit à l’hôtel Drouot, en 1919, l’on crut longtemps reconnaître la binette de ce défunt roi ! Enfin, si Henri IV reste à ce jour connu de tous, je n’en suis pas dupe, c’est surtout en raison de la couleur lactescente de son royal bourrin : le fameux cheval blanc ! Ce souverain espiègle quêtant la réponse erronée de Maximilien De Sully, ignorait que des siècles plus tard, l’on en ergoterait encore !

 

C’est à ce Sully, précisément, que je voudrais vous intéresser. La gardienne du marécage qui longe notre sous-bois, Dame Hulotte, me maugréait, hier soir, que ce Duc, moyen, fut un foutu pourfendeur de marais... Bon, nul n’est parfait ! L’homme était “grand voyer” de France, titre donné durant l’Ancien Régime, au responsable des voies royales, des alignements urbains et de l’embellissement des villes en général. Le chargé de notre patrimoine végétal, au Conseil Général, citera certains tilleuls séculaires que ce nom, dans chaque région, accompagne : Sully en fit planter, durant son intendance, devant les églises, dans les cimetières, sur les places publiques, certains ombragent encore...

 

Ami lecteur nous te lançons cet appel : si tu localises près de chez toi l’un de ces tilleuls dit de Sully, n’hésite pas à nous le partager par un retour-courriel !

 

Attention ! Sully ne fut pas le seul à essaimer ce feuillu au sein de nos localités : au XIIème siècle, sous la tutelle autrichienne, l’accessibilité d'un village au rang de ville se traduisait fréquemment, ai-je lu, par la plantation d’un “tilleul de danse”. Le Herrengaerten de Bergheim fêtera ainsi plus de 700 printemps quand un “Sully” n’en affichera que 400 !

 

Saperlipopette, les tilleuls de notre refuge font figure de bambins quand sont cités leurs aînés ! Les gestionnaires qui succéderont un jour à Jojo sauront-ils aller vers cette longévité ? Je m’en vais les y aider, le tilleul en tout point est aimable, il mérite d’être aimé, admiré...

 

Les tourtereaux (graveurs-d’initiales-sur-tronc) le savent bien que sa feuille en forme de cœur est un symbole non usurpé. Retenez-le, cet arbre est un précieux don du Bon Dieu : dans le tilleul, plagions le “théor’aime” du cochon, tout est bon ! Commençons par l’intérêt faunistique...

 

Quelle belle enseigne sylvicole que cette table ! Pouillots, fauvettes, mésanges, sittelles, grimpereaux, troglodytes, rouge-gorges y circulent en habitués. L’on y sert sans modération et à foison, chenilles, syrphes, pucerons. Postez-vous à distance quand, durant la belle saison, le crépuscule estompe le jour de ses ombres : vous vous amuserez du ballet que dansent nos amies chauves-souris en quête de papillons ! Un vieil arbre crevassé sera fréquenté par le pic, le geai, la corneille, l’autour, l’épervier qui aimeront s’y percher, l’écureuil, le loir, le lérot qui pourraient y nicher. À son pied, pour peu qu’il y ait de la caillasse, fourmilleront gendarmes, carabes, et autres cuirassés...

 

Le tilleul est un excellent compagnon de l’homme !

 

Qui a du tilleul chez soi énumérera : abeilles, pollen, miel ! En pleine période de floraison, il est enthousiasmant d’entendre nos cossues cathédrales ronronner d’un si joyeux bourdonnement ! Un tilleul de taille moyenne affiche plusieurs dizaines de milliers de fleurs. Chacune d’entre elles produisant 6mg de nectar sucré/jour, je vous laisse faire le calcul du nombre de butineurs que l’on y compte, et de ce qu’ils engrangent !

 

Utilisé en papeterie, en ébénisterie, en sculpture, en herboristerie, en aromathérapie, il offre une foultitude d’usages. Sa sève, tout comme celle du bouleau, recueillie au printemps, s’avèrera par exemple excellente pour nettoyer le foie ! La posologie lue serait de 3 cuillerées par jour. La tisane d’aubier est réputée pour détoxifier le sang, stimuler, régulariser la sécrétion biliaire, améliorer le fonctionnement des reins. L’infusion des fleurs, je n’étonnerai point, est calmante, apaisante, destressante. Une poignée florale recouverte, durant 10 minutes, d’une eau portée à ébullition, et hop : votre potion magique est prête !

 

 

En décoction dans l’eau du bain, c’est tout le corps qui serait, en profondeur, apaisé, nettoyé. Faire bouillir pour cela 2 à 3 litres d’eau. Immergez durant 30 minutes, 300 gr de fleurs et 300 gr d’aiguilles de pin. Versez cet élixir dans la baignoire. Après une immersion d’ ¼ d’heure, enfilez un peignoir puis, sans vous sécher, zou : au lit !

 

Maux de tête, conjonctivite, sécheresse cutanée, gerçures, petits boutons, courbatures, fièvre, rhume ? Une seule réponse : le tilleul !

 

Des utilisations culinaires nous sont tout aussi généreusement offertes ! Je vous citerai cette jolie salade printanière : 250 gr de très jeunes feuilles, 10 petites pensées, 15 fleurs de bourrache, quelques pluches de cerfeuil, 2 cuillerées à soupe d’huile de noix, 1cuillerée de vinaigre balsamique... Un régal parait-il, je m’y essaierai, promis, dans trois mois ! Selon certains grimoires, le feuillage se mangerait jusqu’à fin de l’été…

 

Usage encore plus surprenant, réduite en poudre, la feuillée devient “farine du pauvre” ! Tonnerre de Brest, l’on goûtera dans peu de temps au refuge du Meyersbuhl, des sablés et des crêpes d’une bien curieuse couleur !

 

Les plus gros tilleuls de France auraient un tour de poitrine qui avoisinerait les 10 m... Nous avons sur le terrain quelques vénérables déjà fort bien dimensionnés, à qui je chante souvent, discrètement pour pas gêner, le “nous prendrons le temps de vivre” de Moustaki !

 

Pour clore cet écho, permettez-moi de revenir à l’inusable questionnement évoqué un temps plus tôt quant à la couleur du cheval d’Henri IV. Blanc, répondit Sully à son roi qui attendait cette mauvaise réponse ! Ce que le couronné savait, mais que le maréchal ignorait, c’est qu’en hippologie, une robe immaculée comme neige ne saurait être albe. Albe ? Je vois ici et là des fronts se plisser. Albe est un latinisme poétique dont la langue de Molière se sert pour décrire la blancheur. Super pour le scrabble quand il manque un b pour faire labbe ! Le blanc n’existe pas dans le monde des chevaux. Ni le noir d’ailleurs. Un cheval blanc sera gris, un noir sera zain. Par Saint Frusquin, je vous le dis, ce français me rend parfois zinzin...

 

Allez, à très bientôt pour l’ultime écho de l’année !

Signé : votre poto, Jojo !

 



14/12/2021
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